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Foire aux questions

Le travail, un malade de longue durée

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Carte blanche de la Coalition Santé – Juin 2025

Un constat alarmant

Le nombre de malades de longue durée (personnes en incapacité de travail depuis plus d’un an) n’a
jamais été aussi élevé. En Belgique, 526.000 personnes sont reconnues en invalidité. 1/3 pour des
maladies liées à la dépression ou au burn-out et 1/3 pour des troubles musculo-squelettiques. Deux
maladies fondamentalement liées aux conditions de travail qui ne font que se dégrader. Par ailleurs, la
majorité des personnes en invalidité sont des femmes et des personnes âgées de plus de 55 ans. Un
phénomène inquiétant qui risque de s’amplifier avec les mesures prévues par l’Arizona. En tant
qu’organisations représentatives de la société civile et des travailleurs et travailleuses, nous tirons la
sonnette d’alarme.

Une réponse politique insatisfaisante et brutale

Cette situation est d’autant plus préoccupante que dans le contexte politique actuel, le gouvernement
fédéral veut mettre en place une série de mesures austéritaires qui vont aggraver l’état de santé des
travailleurs et des travailleuses.
L’Arizona prévoit de trouver plus de 23,3 milliards d’euros d’ici 2029 pour ramener le déficit du niveau
fédéral en dessous de 3% du PIB. Dans cette perspective, l’Arizona veut remettre un maximum de
personnes au travail et cela le plus vite possible. Évaluer la “capacité résiduelle” (capacité restante pour
travailler) des personnes malades, limiter les allocations de chômage à deux ans, sanctionner les
mutualités si elles n’effectuent pas assez de trajets de retour au travail, inciter les employeur·es à
rapidement remettre les employé·es au travail, augmenter les contrôles pour les médecins soupçonnés
de prescrire des certificats de complaisance, … Toutes ces mesures ne visent qu’un seul objectif : activer
les personnes au chômage ou en incapacité de travail pour atteindre un taux d’emploi de 80% à l’horizon 2029. En plus d’être inhumaine et brutale pour les personnes en situation de maladie, cette politique est
irréaliste et contre-productive. En effet, au dernier trimestre 2024, on recensait plus de 526 000
personnes invalides pour 171 946 postes de travail vacants. Si on y ajoute les 280 000 personnes au
chômage, il devient évident qu’il n’y pas assez de travail pour tout le monde.
Cette politique qui s’attaque aux symptômes du problème et non aux causes est accompagnée de
discours stigmatisants qui voudraient que les chômeur·euses soient des profiteur·euses ou les malades
des imposteur·trices.

Notre analyse

La logique du gouvernement repose sur la responsabilisation des personnes malades, des médecins, des
employeur·es et des mutualités.
Syndicats, mutuelles, associations et expert·es de santé, nous établissons un lien clair entre les
conditions de travail qui se dégradent et l’augmentation plus qu’inquiétante du nombre de personnes
malades.
Nous constatons que les travailleur·euses sont soumis à des cadences de travail de plus en plus rapides
et que les objectifs de productivité sont de plus en plus élevés, que le personnel de soin est en
sous-effectif chronique (avec les conséquences que l’on connaît sur la qualité des soins prodigués) et que
les moyens déployés dans les services publics sont en baisse constante. Un chiffre vient confirmer notre
constat ; 84% des médecins du travail sondés par Solidaris pensent “qu’il est demandé aux salarié·es de
faire davantage d’efforts qu’avant tant sur le plan mental que physique”. (thermomètre Solidaris).
Dès lors que l’on accepte ce constat, il devient impossible d’appréhender la question des malades de
longue durée en supposant une quelconque fainéantise de la part des personnes concernées.

Casser le mythe des profiteurs et apporter une réponse collective

La vision selon laquelle les personnes malades seraient responsables de leur situation ou en profiteraient
est une manière d’aborder cette problématique qui ne correspond pas à la réalité et qui est
profondément culpabilisante pour l’individu.
Le travail permet de subvenir à ses besoins, d’avoir une utilité sociale, de donner du sens, de créer du
lien… Lorsqu’il est réalisé dans de bonnes conditions, qu’il est correctement rémunéré et qu’il ne rend
pas malade, le travail peut effectivement être émancipateur. C’est pourquoi personne ne choisit de
tomber malade ou de le rester pour profiter d’une prétendue oisiveté. Être malade, qui plus est du
travail, n’est pas un luxe et n’est jamais confortable.
De plus, il est primordial d’analyser le problème de la santé au travail par le prisme du collectif. A titre
d’exemple, dans le secteur des aides-ménagé·ères, chaque jour un·e travailleur·euse sur cinq est en
incapacité de travail. Les tendinites, les expositions à des produits chimiques nocifs et les troubles
musculo-squelettiques sont monnaie courante pour ces personnes dont les conditions de travail
éreintantes abîment le corps.
Dans ce secteur, comme dans beaucoup d’autres, toute tentative d’individualiser le phénomène est soit
une erreur d’analyse soit une malhonnêteté intellectuelle. C’est par des solutions collectives comme la
prévention des risques, l’embauche de personnel en suffisance et la réduction collective du temps de
travail que l’on parviendra à améliorer les conditions de travail et la santé du plus grand nombre.

Mieux vaut prévenir que guérir

En termes de santé au travail et en vue d’enrayer la croissance du nombre de malades de longue durée, il
est nécessaire de réaliser de nouveaux investissements pour la prévention des risques, dans
l’accompagnement des personnes malades et pour engager du personnel supplémentaire dans les
métiers en pénurie.
Par ailleurs, le “toujours plus de flexibilité sur le marché du travail” que la droite appelle de ses voeux et
qui a pour unique objectif d’augmenter sans cesse la productivité des entreprises semble incompatible
avec des objectifs de santé ambitieux. Travailler de nuit, effectuer des heures supplémentaires, avoir
plusieurs jobs,… Tous ces mécanismes qui font passer l’humain après le profit ont des répercussions
graves et parfois irréversibles sur la santé des travailleur·euses.
À travers des mesures davantage ciblées sur des solutions concrètes pour améliorer les conditions de
travail, nous pouvons non seulement alléger la charge de travail mais également diminuer la pénibilité et
améliorer l’accompagnement des personnes malades.

Conclusion

Contrairement au gouvernement, nous décidons de regarder la réalité en face et avons le courage de
proposer des mesures politiques à la hauteur de l’enjeu qu’est la santé au travail. Aujourd’hui, force est
de constater que les conditions pour un travail épanouissant et digne ne sont pas réunies. Face à ce
constat, nous refusons la logique strictement budgétaire et productiviste qui presse les travailleur·euses
jusqu’à l’épuisement et cela dans l’unique but de rendre nos entreprises plus compétitives. Puisque
traiter les causes s’est toujours avéré bien plus efficace que de s’attaquer aux conséquences, nous
proposons de mettre en place une approche préventive pour éviter que les personnes ne tombent
malades de leur travail. Réduire le temps de travail, engager du personnel dans les métiers en pénurie,
investir dans nos services publics et dans la prévention des risques,… voilà des mesures ambitieuses qui
permettront enfin d’enrayer cette machine à produire des personnes malades qu’est devenu le monde
du travail